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Lucubrationes de Maurice Guis

Dernière mise à jour : 6 oct. 2022

Lucubratio Prima Mauricii Philosophi


OUF !...ELLE EST RETROUVÉE !...- QUOI ?... - L’ÉTERNITÉ !!! Ainsi parlait Zoroastre à ses compagnons fidèles, assis en cercle sous le banian millénaire : « Mes chers amis, mes bien chers amis, ne vous êtes vous jamais demandé, dans vos méditations quotidiennes, "Pourquoi suis-je Moi ?". Vous constatez aisément que, malgré quelques variantes mineures auxquelles les insensés attachent une valeur ridicule, nous sommes tous, corps et esprit, fabriqués sur le même modèle, modèle dont on retrouve l’ébauche, progressivement améliorée, chez nos frères les animaux. Comment se fait-il que l’un de ces individus tellement semblable à des milliards d’autres, dise « Moi c’est bien Moi ", certain de ne pas être le voisin ? Ne serait-il pas plus logique et efficace qu’étant tous semblables nous ne fassions qu’un seul grand Moi ? Et qu’il puisse passer d’un corps dans un autre pour voir un peu le monde sous tous ses aspects ? Je peux évidemment considérer que je suis l’unique spectateur d’une sorte de film interactif (comme ceux dont je prévois l’invention dans les siècles à venir) et que le spectacle s’arrêtera un jour. À ce moment les lumières de la salle se rallumeront et je me retrouverai seul ou face à un Être Suprême en train de me demander ce que je pense de la façon dont j’ai tenu mon rôle ; auquel cas il pourrait éventuellement me renvoyer faire pénitence dans un autre film ? Mais laissons de côté cette éventualité désespérante et adoptons un point de vue bien matérialiste. Ainsi donc, considérons que seul est solide et fiable ce monde que je vois, que je touche et que j’entends. Avant d’être conçu je n’étais rien et même moins que rien. C’est la matière qui m’a créé, je suis tout matière et retournerai au grand Rien lorsque la nature le décidera. Ce Moi n’est qu’un phénomène annexe sans importance, un feu follet qui se dissipe chaque soir. Soit. Mais alors, important ou non, ce Moi épiphénoménal doit bien se produire quelque part dans mon corps ? Imaginons donc un chirurgien génial et diabolique qui pourrait nous découper sans nous faire souffrir ni mourir. Il pourrait bien me couper les pieds ; bien que fort utiles pour marcher ils ne sont pas moi. On peut donc les éliminer. Et le chirurgien pourrait continuer : jambes, mains, bras, tronc, cou, mâchoires, nez, yeux, tout cela est à moi mais n’est pas moi ; ces organes sont même interchangeables (vous verrez, un jour…) Ne reste plus qu’un cerveau, certes fort utile pour réfléchir, mais dont on peut couper une moitié sans pour cela cesser d’être Moi. Tant vaut-il jeter aussi l’autre moitié ? Alors, Moi, où suis-je passé ? Eh bien, mes amis, mes chers amis, nous voici contraints d’admettre qu’à chacun de ces corps est attachée une... âme ? Voilà qui vous fait chacun différent des autres. Si on ne la trouve pas c’est bien que par nature elle n’appartient ni à l’espace ni au temps. Libérée du corps matériel elle pourra fusionner avec toutes les autres dans un grand Tout sans durée ni étendue ! Or voici que moi, Zoroastre, je vous prédis que, dans l’avenir, on pourra peut-être mettre en évidence cette association de l’âme et du corps. En effet la physique quantique (à laquelle évidemment je ne peux rien comprendre puisqu’elle n’est pas encore découverte !) nous dit que lorsque deux électrons se trouvent associés, l’action que l’on exerce sur l’un se répercute instantanément sur l’autre. Ce qui laisse penser qu’on pourra sans doute un jour dématérialiser une personne et la faire se re-matérialiser où que ce soit dans le monde, un mode de transport bien commode. Mais on ne transportera pas l’âme, laquelle échappe à la physique. Si donc, à l’arrivée, on ne trouve qu’un cadavre ou un zombie… un corps sans âme, quoi, ma théorie se trouvera confirmée !! Les artistes ont peut-être aussi quelque chose à nous dire, notamment les musiciens, - compositeurs et interprètes associés - ceux que l’on appelle "grands" parce qu’on croit qu’ils ont acquis la maîtrise dans l’art de disposer les sons dans le temps. En effet il arrive parfois que, sans véritablement savoir comment, l’un d’entre eux parvienne à ramener notre âme à son état immatériel. Tous les présents alors sont d’accord pour dire « On était au ciel » ou encore « C’était magique » car ils ont le sentiment d’avoir été hors du temps et de l’espace, comme avant leur entrée en ce monde1 . Hélas, cette lueur à peine entr’aperçue s’éteint bientôt et nous ne retrouvons la plupart du temps que l’habile et estimable production d’un musicien bien terrestre. Mais ce souvenir nous hante et les artistes passent leur vie à poursuivre ce rêve. » À ce moment Zoroastre s’arrêta... Le soleil se couchait. Au loin, dans le temple, sous les palmiers, au bord du Gange, la voix pure de Lakmé s’élevait dans le soir… et il n’y eut plus rien à dire...


1 Les « beaux-arts » défient le temps. À ce titre ils semblent encore davantage susceptibles de nous révéler l’Éternité. Pourtant c’est paradoxalement la musique avec sa sœur la poésie, qui à travers leur assujettissement au temps remplissent le mieux ce rôle.


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